Ce n'est pas tous les jours qu'un article entre en résonance directe avec la petite phrase en exergue en haut de chaque page de ce blog ! Car il va être ici question, vous l'aurez
compris, de chiens de garde. Pas nécessairement de ceux qui gardent le troupeau, mais de ceux qui filtrent soigneusement les informations qui sont susceptibles d'arriver jusqu'aux
moutons, je veux parler des journalistes.
Ceux qui me lisent régulièrement auront déjà mesuré la méfiance que j'ai vis à vis de ce qu'il est convenu d'appeler "l'élite" de cette profession, ceux qui sont aux manettes, à la
télévision, à la radio, ou encore dans les grands titres de la presse écrite... Je précise que je ne mélange pas ces cadors avec ceux qui sont moins célèbres, qui ne fréquentent pas les
salons de la république, et qui, dans l'ombre, font quotidiennement leur boulot en respectant la déontologie de leur profession. Non, ceux dont je vais vous parler aujourd'hui, ceux
dont le film de Yannick Kergoat et Gilles Balbastre parle, ceux là ont depuis bien longtemps oublié les règles qui régissent leur métier, et le mot déontologie ne signifie plus grand chose
pour eux ... A l'image d'un Laurent Joffrin qui avouait en 2004 :
« Evidemment les journalistes ne peuvent pas s’ériger en commune libre et décider tout seuls de l’orientation idéologique.... Quand on crée un journal, on ne va
pas tout d’un coup donner les clés à une équipe de journalistes qu’on aurait recrutés pour les besoins de la cause. Il est logique que le propriétaire fixe une orientation. » CQFD
!
Le film de Yannick Kergoat et Gilles Balbastre est tiré d'un livre de Serge Halimi. C'est une charge violente contre ces journalistes qui se flattent de constituer un contre-pouvoir alors
qu'ils sont trop souvent à la solde de celui-ci. Ils ont issus des mêmes écoles que les politiques ou les industriels, fréquentent les mêmes milieux, passent leurs vacances aux mêmes
endroits, mangent dans les mêmes restaurants, et en définitive, sont payés par leurs anciens copains d'école pour rédiger des articles ou interviewer d'autres anciens copains d'école... Ni
plus, ni moins.
Il est aujourd'hui incontestable que tous les médias appartiennent aux patrons de l'industrie et de la bourse. A cet égard, la carte du " Parti de la Presse et de l'Argent " établie
par les réalisateurs est à la fois passionnante et consternante...
Ces patrons sont des intimes des gouvernants et fréquentent assidument les salons dorés de la République. Prenez l'exemple de l'actuel Directeur des Relations Institutionnelles du célèbre
groupe VINCI dont on voit les panneaux sur tous les chantiers des grandes villes. Et bien ce monsieur a été délégué général de l'UMP et Conseiller auprès d'Alain Juppe de 2002 à 2004, puis chef
de cabinet du Ministre du logement et de la ville de 2004 à 2006. Il sera ensuite conseiller de Nicolas Sarkozy Président de l'UMP 2006-2008. Et pour finir en 2009, il intègre le groupe Vinci...
Inutile de préciser que VINCI oeuvre à tour de bras dans la bonne ville de Bordeaux, dirigée par Juppé...
Comment peut-on alors envisager une quelconque indépendance et une quelconque objectivité des médias ? Il suffit pour s'en rendre compte, d'observer avec un oeil un peu aiguisé, comment
sont présentés les faits dans les journaux télévisés...
Tenez, pas plus tard que la semaine dernière, la manière dont a été présenté le problème des dépassements d'honoraires dans l'hôpital public pouvait laisser penser que c'était une chose
courante et que la faute en revenait à l'administration et donc au service public. Service public dont on sait qu'il est l'ennemi juré du parti au pouvoir... UMP : Union pour un Maximum de
Privé ???... Il aura fallu prêter une oreille très attentive pour comprendre que cela ne concernait qu'une infime minorité de médecins ( qui doivent voter UMP... ) et qu'il ne s'agissait que
de médecins ayant une activité PRIVEE au sein d'un établissement PUBLIC, possibilité offerte par la loi Debré de 1958 ( Debré qui n'était pas franchement un gauchiste... ), abrogée par François
Mitterrand, mais malheureusement rétablie depuis... J'imagine que bon nombre de téléspectateurs n'auront retenu que le fait qu'à l'hôpital, les dépassements d'honoraires étaient monnaie courante,
ce qui est strictement faux... Si on cherche les chiffres, qui bien sûr, n'ont pas été donnés à la télévision, seuls 4500 médecins pratiquent une activité privée soit 15 % des praticiens, et sur
ces 4500, 3000 pratiquent les tarifs conventionnés. Ils ne sont donc 1500 sur un total de 30 000 médecins hospitaliers à abuser de leur position pour pratiquer des tarifs prohibitifs.
On est bien loin de la généralité que laissent entendre les médias ces derniers jours !!! Un exemple parmi tant d'autres...
Au delà, le film montre aussi comment certaines interventions de ces ténors du journalisme, lors de colloques, salons, lancements publicitaires, sont très grassement rémunérées, les
plus grands noms étant bien entendus "coachés" par des agences qui leur rabattent les potentiels et lucratifs clients... Clients qui peuvent appartenir aux mêmes groupes financiers que ceux qui
possèdent les médias... Le monde est si petit !!!

Le film pointe aussi du doigt les experts. Ah, les experts... Vous savez, ces gens qui plastronnent sur tous les plateaux de télévision ou qui se fendent régulièrement d'articles dans la
presse. Bien souvent on ne connait pas leur nom, mais leur visage est connu de tous car ils sont partout, tout le temps. Vous aurez remarqué qu'on énonce très souvent qu'ils sont professeurs ou
enseignants dans une quelconque université, tout en omettant soigneusement de préciser qu'ils sont aussi salariés par un grand groupe industriel ou encore qu'ils monnaient très cher leurs
interventions lors de colloques ou autres manifestations à visée lobbyiste... On notera que ces experts, lorsqu'ils oeuvrent dans l'économique, n'ont pas été plus clairvoyants que les autres en
ne diagnostiquant la crise dont nous sommes aujourd'hui victimes que lorsqu'elle fut avérée...!!! Et on s'apercevra aussi que ces chantres du libéralisme et de l'austérité la prônent
essentiellement pour les autres, car eux mêmes se font grassement rémunérer leurs insipides prestations...
Bref, ce film dénoue les liens incestueux qui régissent tout ce microcosme au sein duquel la consanguinité n'est plus du tout un problème...
Un dernier mot: bien évidemment, si vous cherchez des critiques de ce film dans les grands journaux, ou sur un quelconque média national, vous constaterez qu'elles
sont très souvent, pour ne pas dire toujours défavorables... Mais ne dit-on pas qu'il n'y a que la vérité qui blesse...?
Les nouveaux chiens de garde : Un film de salubrité publique !
Pour en savoir plus : Les Nouveaux chiens de
Garde