Tout le monde connait le "Lancer de Nain"... Issu d'une pratique australienne, elle consiste à lancer le plus loin possible, sur un
épais tapis en mousse, un nain équipé d'un casque et de toutes les protections nécessaires. Cette pratique en apparue en France il y a une quinzaine d'années... Je trouve ce genre de
divertissement absolument débile, mais chacun s'amuse comme il veut ou comme il peut...
C'est à peu près du même niveau que ce sport, dans lequel 22 abrutis courent après un ballon noir et blanc, pendant que les spectateurs s'entretuent dans les
tribunes...
Mais en 1991, le Maire de Morsang Sur Orge, dans l'Essonne, Geneviève Rodriguez, a promulgué un arrêté municipal interdisant cette pratique dans sa commune, une discothèque locale proposant un
spectacle de lancer de nain.
L'organisateur de la manifestation a fait appel de cette interdiction auprès du Tribunal Administratif, évoquant sa liberté de travail et de commerce. Et a obtenu gain de cause, à deux
reprises.
En effet, les tribunaux administratifs de Versailles et de Marseille, en se fondant sur des arguments distincts ont rendu des décisions semblables : le second a considéré que cette pratique
ne portait aucune atteinte à la dignité de la personne humaine, tandis que le premier estimait que, à supposer même qu’une telle atteinte eût bien existé, celle-ci ne pouvait légalement justifier
une mesure d’interdiction en l’absence de trouble à l'ordre public.
Il faut savoir en effet, que les Maires ont des pouvoirs de police sur le territoire de leur commune, notamment en matière d'ordre et de sécurité publique.
Non content de ces deux décisions de justice, le Maire de Morsang-Sur-Orge fait appel devant le Conseil d'Etat.
Et celui-ci lui donne cette fois raison, arguant que cette pratique était contraire à la dignité humaine, et qu'elle ne pouvait être tolérée. Et cette décision fera jurisprudence.
Je vous fais grâce des arguments développés par le Commissaire du Gouvernement, parfois grotesques, souvent très douteux... Sachez juste qu'il a évoqué les jeux du cirque de l'Antiquité,
un retour au Moyen Age, les sous-hommes stigmatisés par l'Allemagne nazie, j'en passe et des meilleures...
Remarquons aussi que nombreux sont les pays dans le monde à avoir pris de telles décisions.
Que pouvons nous conclure de tout cela ? Que c'est tant mieux ? Qu'ainsi les nains seront protégés contre les autres et contre eux-mêmes ( je sais, je devrais écrire " personne de petite
taille", mais je refuse de me cacher derrière mon petit doigt, un nain, c'est un nain, et cela n'enlève rien au respect que j'ai pour eux ) ? Mais ils ne le faisaient pas contre leur gré...
Certes...
Mais on peut aussi et surtout remarquer que par cette décision, la dignité humaine n'est plus du domaine de l'inné, n'est plus un principe fondamental de la personne humaine, mais devient un
acquis.
On peut aussi penser que cette décision de justice aurait pu être différente. Et quid, dans ce cas, de la dignité des nains ?
On peut aussi se demander pourquoi nous n'avons pas légiféré sur la prostitution... Est-ce plus digne, moins digne, que le lancer de nain ? Les prostituées ne sont-elles pas dignes de
bénéficier de la dignité humaine ?
Tout cela fait aussi penser à un retour en force des "bonnes moeurs", d'un certain ordre moral... Mais là, je m'égare probablement... Non ?
La dignité humaine est ainsi devenue réglementaire, juridique, et n'est plus le propre de l'homme.
Elle traduit l'état d'esprit des juges, à un moment donné, et qui, par définition est appelé à évoluer...
Notre corps ne nous appartient plus. Il est soumis aux réglements.
La dignité humaine ne fait plus partie intégrante de toute personne humaine, elle est décidée.
Bref, dorénavant, la loi, la justice, peuvent donner ou reprendre la dignité
humaine.
Remerciements à W.Brugmans, Professeur de Philosophie, dont j'ai eu la chance d'écouter quelques conférences dans le cadre du CUSD, et dont les propos ont
suscité en moi l'envie d'écrire cet article.
Musique : Don't Give Up - Peter
Gabriel et Kate Bush
