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23 octobre 2008 4 23 /10 /octobre /2008 13:00
L'accident récent, survenu dans un hôpital de la région parisienne lors de l'utilisation d'une bouteille d'oxygène rappelle douloureusement combien ce genre de manipulation doit toujours se faire avec d'infinies précautions.

L'usage quotidien et continuel de ces bouteilles en milieu hospitalier mais aussi dans l'industrie, pour le soudage entre autres, a banalisé les gestes et comme toujours, cette banalisation entraine une sous-estimation du danger. La fiabilité du matériel et sa résistance font que ce genre d'accident est rare. Heureusement car des centaines de ces bouteilles sont en circulation au sein d'un établissement comme celui de Bordeaux. Pour autant, et l'actualité nous le confirme, lorsqu'il survient, il est toujours gravissime.

Un peu de physique.
Pour stocker un gaz, on utilise des bouteilles en acier ou en matériau composite. La pression régnant dans ces bouteilles, lorsqu'elles sont pleines, est de 200 bars, soit 200 fois la pression atmosphérique, ou encore, pour avoir une référence connue de tous, 100 fois la pression qu'il y a dans les pneus de votre voiture.
200 bars, c'est aussi 200 kilos de poussée derrière chacun des centimètres carrés de l'ensemble de la surface de la bouteille... Je parle là des gaz qui restent dans cet état sous pression. Certains gaz, passant en phase liquide lors de leur compression, sont stockés à une pression moindre, de l'ordre de 50 bars pour le protoxyde d'azote, 7 bars pour une bouteille de propane à usage domestique, ou encore 1,7 bar pour le butane.
 
Ici, une bouteille d'azote de 4 M
Volume 20 litres x pression 200 bars = 4000 litres ou 4 mètres cubes.
Hauteur 95 cm -  Poids à vide 34 kg
Il existe des bouteilles de 100 litres, 500 litres, 1m3, 4m3, 10 m3


C'est cette pression qui constitue le danger, d'une manière générale. Dans le cas de l'oxygène, on ajoute le danger "comburant", l'oxygène étant essentiel à toute combustion, et sa présence en forte quantité agit comme un accélérateur et un catalyseur de combustion.
Seul, l'oxygène ne présente aucun danger. Mais en présence d'une matière susceptible de brûler, et d'une flamme, d'une étincelle ou seulement d'un point chaud,  celui-ci joue le rôle d'un accélérateur. Exactement comme lorsqu'on souffle sur des braises pour activer un feu ( apport d'oxygène ) .

Bien sûr, on n'utilise pas l'oxygène et les autres gaz à leur pression de stockage. En milieu hospitalier, par exemple, on utilise le gaz à une pression de 3,5 bars, voire moins. Pour diminuer la pression initiale, on utilise un appareil connecté sur la bouteille, appelé détendeur. Au moyen d'un système de membranes et de ressorts, on abaisse la pression. 

Ici un détendeur à pression de sortie réglable entre 0 et 8 bars


Et le danger vient presque toujours du détendeur.

Pour deux raisons :
La première est que le fait que celui-ci soit amovible, des poussières ou impuretés peuvent s'introduire à l'intérieur, pouvant être combustibles. De plus, faisant saillie par rapport à la bouteille, il est exposé aux chocs et autres "mauvais traitements".
La seconde est qu'un détendeur est composé, schématiquement de deux étages. Un étage à haute pression, à l'intérieur duquel on a 200 bars. Et un étage basse pression, où règne la pression d'utilisation. Lorsque la bouteille est fermée, l'ensemble du détendeur est à la pression atmosphérique. Mais lors de l'ouverture de la bouteille, la chambre haute pression du détendeur passe à 200 bars. En une fraction de seconde. Et cette brusque montée en pression entraine une montée en température tout aussi rapide, de l'ordre de 600 à 700 degrés... C'est ce qu'on appelle la compression adiabatique, le mot adiabatique signifiant qu'il n'y a pas d'échange avec le milieu extérieur. En d'autre termes, il n'y a rien pour refroidir le gaz à cet instant...
On a donc, à ce moment précis, de l'oxygène et un point très chaud. Si on y ajoute quoi que ce quoi qui puisse brûler, c'est l'accident. Les impuretés s'enflamment, augmentant la température jusqu'à plus de 1100°, et le détendeur...se liquéfie !!!
C'est le phénomène d'oxycoupage, qui, sous l'effet de la pression de l'oxygène, va projeter alentour le métal en fusion. Le bruit anormal produit par le détendeur juste avant ce phénomène risquant de pousser l'utilisateur à s'approcher, avec les conséquences qu'on imagine...

En conclusion, il faut toujours être très prudent lors de l'utilisation de ce genre de bouteilles. A fortiori si elle contient de l'oxygène.

Il ne faut JAMAIS :
Graisser un détendeur ou tout autre appareil en contact avec de l'oxygène.
Utiliser un détendeur ayant subit un choc.
Utiliser un outil  ou une pince pour installer ou démonter un détendeur. Il doit être serré à la main.
Se mettre face à la bouteille lors de son ouverture. Il est préférable de se tenir à l'arrière de celle-ci lorsqu'on tourne le robinet.


Il faut TOUJOURS :
Avant de visser le détendeur, purger la bouteille en ouvrant brièvement le robinet afin de chasser toute impureté.
Toujours ouvrir le robinet doucement, et ne jamais procéder à de multiples cycles ouverture/fermeture de celui-ci.
Au moindre signe suspect, fuite, bruit ou autre, fermer la bouteille et s'en éloigner.



Depuis une dizaine années, le laiton a remplacé l'aluminium, trop friable et pouvant présenter des bavures lors de son usinage, pour la fabrication des détendeurs. Parallèlement, la société Air Liquide Santé a commercialisé une bouteille d'oxygène en matériau composite, intégrant le détendeur. Cela permet de supprimer la manoeuvre de montage/démontage du détendeur, les risques de chocs sur celui-ci par son intégration au sein même de la bouteille, et permet aussi son contrôle à chaque remplissage.
Lorsque cette bouteille est apparue sur le marché, j'ai eu en charge le projet visant à les utiliser au CHU de Bordeaux, en remplacement des bouteilles conventionnelles. Le coût était supérieur. Mais le gain en matière de sécurité était considérable. Depuis que nous les utilisons, nous n'avons pas rencontré le moindre incident.
Depuis, les autres fournisseurs de gaz commercialisent aussi ce genre de bouteilles. Elles ont ainsi totalement supplanté les bouteilles conventionnelles pour le conditionnement de l'oxygène en milieu médical.
Mais l'usage de détendeurs démontables perdure pour tous les autres gaz.




Il y a peu de chance que vous ayez une bouteille d'oxygène à la maison. Mais si un jour, vous vous trouviez face à ce genre d'appareil, vous savez désormais comment l'utiliser en toute sécurité !!!



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commentaires

C
merci pollux de m'avoir refait ecouter 'oxygene' qui date de la petite ecole mais que de doux souvenirs....
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Les politiques, sauf rares exceptions,ne sont que des bouffons sans talent qui règnent sur un troupeau qu’ils méprisent avec soin... Qu'ils gardent à l'esprit que si nous sommes le troupeau, eux n’en sont que les chiens de garde...

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