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7 avril 2010 3 07 /04 /avril /2010 12:35

Quelle ironie !

 

A l'heure où personne n'a de mots assez durs pour fustiger le Pape et l'église catholique pour leur comportement vis à vis des actes pédophiles commis par certains prêtres, la polémique autour de la dénonciation de pédophiles par des journalistes de Capa au terme de leur reportage diffusé hier sur France 2 résonne plutôt curieusement... Y aurait-il deux poids, deux mesures ?

 

La distance entre les deux affaires est pourtant bien ténue. Quelques dixièmes de millimètres précisément : Juste l'épaisseur d'une carte de presse...

 

Et le noeud du problème est là : Un journaliste, qui constate quelque chose de grave dans l'exercice de sa profession, doit-il, peut-il, dénoncer ces faits à la justice ou aux autorités ? La déontologie de la profession et le devoir de protection des sources, ce contrat moral qui lie le journaliste et celui qui va lui transmettre l'information, impose de répondre par la négative. Cet anonymat vise à le protéger et à le libérer de toute contrainte, la crédibilité des révélations n'en étant que renforcée. C'est là ce qui distingue le journaliste du citoyen, qui lui, a le devoir moral et civique, c'est écrit dans la loi, de dénoncer tout comportement délictueux dont il serait le témoin ou aurait la connaissance.

 

La question est donc de savoir ce qui prime, et si le journaliste demeure un citoyen comme les autres lorsqu'il exerce son métier. Dans le cas qui nous préoccupe, les faits sont d'une extrême gravité, puisqu'il y a risque d'atteinte à l'intégrité de personnes, et d'enfants en l'occurrence. Ce sont même les actes qui suscitent le plus l'indignation, et qui sont au sommet de l'échelle en matière de gravité. Point de délinquance en col blanc, de magouilles politico-financières ou de délit d'initié, mais des viols potentiels d'enfants. Les nôtres, les vôtres.

 

les-infiltres

 

Cette gravité extrême affranchi t-elle le journaliste de son devoir de protection de ses sources ?

A mon sens, oui. Car le journaliste est avant tout un citoyen. Avant tout le reste. Et peu importe qu'il ait agit en caméra cachée ou non, que son interlocuteur sache ou non qu'il est un journaliste. Le problème n'est pas là. Et se cacher derrière son petit doigt en dénonçant le principe de la caméra cachée est d'une hypocrisie incroyable, chacun sachant que ce procédé est incontournable dans certains cas. Par contre, si le journaliste décide de faire son devoir de citoyen, de se comporter en personne responsable, il doit abandonner son statut de journaliste et en même temps qu'il dénonce, il doit renoncer. A son reportage. Et c'est peut-être là, le seul grief qu'on puisse avoir contre ce reportage.

 

En France, le mot dénoncer fait peur. Nous sommes probablement tous plus ou moins victimes d'un triste syndrome : Le syndrome du gouvernement de Vichy et des juifs, que notre administration a contribué à déporter. Sauf qu'il ne faut pas confondre délation et dénonciation, comportements délictueux et délation du voisin pour sa différence ou pour délit de sale gueule... 

 

Les tenants de la protection des sources à tout prix, et de façon totalement inaliénable, avancent l'argument de la confiance que pourront avoir celles-ci à l'avenir envers le journaliste. Et de l'avenir même du métier de journaliste. Mais cette protection ne les rend t-elle pas parfois trop peu regardants sur la fiabilité de celles-ci ? Ne leur permet-elle pas trop souvent de s'affranchir de leur devoir de contrôle et de vérification des informations ? A une époque où, pour ne pas risquer d'avoir quelques heures de retard sur une actualité qui va chaque jour plus vite, chacun se contente de reprendre sans vérification la publication du voisin, on peut s'interroger... Et puis je crois aussi qu'il faut être clair : La majeure partie des "sources" a intérêt au reportage ou à la publication. Elle ne dénonce pas pour les beaux yeux du journaliste. Question d'intérêt personnel, de lâcheté, d'impossibilité de dénoncer soi-même... Le journaliste devient alors l'instrument de la source. Cela dit, n'oublions pas qu'il ne s'agit pas là du Watergate. Dans le cas qui nous préoccupe, les sacro-saintes sources ne sont que des ordures de pédophiles qui chassent des gamines de 12 ans...

 

C'est sûr que confortablement installé derrière son petit bureau à Canal Plus, c'est facile de fustiger, n'est-ce pas Monsieur Aphatie ? Tout comme il est facile de poser la question de la dénonciation de sans-papiers, comme le fait perfidement Libération dans son éditorial. Sauf que dans ce cas, j'ose espérer que ni le journaliste, ni le citoyen, n'aurait l'idée de dénoncer... Aujourd'hui, ceux qui s'insurgent et qui parlent de déontologie sont aussi les mêmes  qui serrent les fesses et ferment les yeux lorsqu'il s'agit de s'attaquer à Sarko ou à ses chiens de garde... Que vaut une déontologie qui cautionne et justifie un crime innommable ? Quelle est l'éthique qui la fonde ?

 

D'aucuns affirment ici ou là, que ce genre d'émission est volontairement racoleur, et n'a d'autre but que de faire de l'audience. Oui et non. Oui, car c'est sûrement plus facile et plus profitable, au sens financier du terme, qu'un reportage sur le comportement de la France en Afrique, au Rwanda par exemple. Non, car il permet aussi de montrer certaines choses dont certains n'avaient peut-être pas conscience. Et si on prend parti contre ce genre d'émission, on peut aussi se contenter de reportages sur la pluie et le beau temps...

  

Mais au delà de cette affaire, qui ne s'est jamais posé la question de la limite que le journaliste doit observer dans son métier, en voyant certains reportages, lors de catastrophes ou de faits de guerre, et lorsque la caméra filme la détresse, la famine ou la mort... Qu'est ce qui doit primer ? L'action du professionnel qui doit nous informer, ou l'homme qui assiste à un évènement sur lequel il pourrait avoir prise ? Souvenez-vous de cette petite fille entraînée par une coulée de boue en Amérique du Sud, il y a quelques années... Fallait-il tendre la main plutôt que filmer ? Que penser lorsqu'on voit en pleine page d'un magasine, la photo de quelqu'un mourant de faim, prise par quelqu'un dont on suppose qu'il a le ventre plein ? Bien sûr chaque cas est différent. Chaque cas est un cas de conscience. Bien sûr nos sociétés ont un besoin vital de journalistes audacieux, prêts à montrer, à dénoncer ce qui doit l'être. C'est indispensable pour préserver la démocratie. Mais cette dénonciation des faits doit aussi s'accompagner d'une dénonciation de ceux qui les commettent.

C'est à mon sens le prix de la crédibilité, le prix de la respectabilité, le prix d'une certaine liberté.

 

   

 

 

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commentaires

G
<br /> <br /> Aucune règle déontologique n'est absolue. Je suis maman de 2 petites filles et je dis bravo à ce journaliste qui a fait ce qu'il fallait faire. Il ne faut pas oublier qu'il y a des lois qui<br /> condamne la non assistance à personne en danger alors qu'une loi n'interdit de dénoncer les criminels.<br /> <br /> <br /> Bonne fin de dimanche Pollux<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Juste une suggestion musicale à te faire part. En regardant l'émission Taratata j'ai découvert l'artiste, Fredo Viola, avec sa chanson The Turn. Cela m'a fait pensé à Peter Gabriel, comparaison<br /> hasardeuse quand je sais haut combien tu apprécies ce chanteur, en tout cas je prend autant de plaisir à écouter les deux artistes.<br /> <br /> <br /> ---> http://www.youtube.com/watch?v=rs90rilAyl8<br /> <br /> <br /> Bonne écoute ;)<br /> <br /> <br /> <br />
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P
<br /> <br /> Sans vouloir polémiquer avec vous BERNACHE , la majorité des cas de pédophilie sont commis par un membre de la famille et presque jamais révélés par les victimes à l'age adulte.<br /> <br /> <br /> A mon avis utiliser la perversion morale pour lutter contre la criminalité sexuelle ne peut que déservir cette nécessité.<br /> <br /> <br /> POILAGRATE.<br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> pardon il faut lire  " sa démarche " <br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Je ne vois qu'une chose importante : PROTEGER L' ENFANT ! un devoir absolu ! impératif ! auquel personne ne peut et ne doit se soustraire ! tout le reste n'est que vaine polémique et je<br /> considère que ce journaliste a eu raison ! que ceux qui contestent sa démarchent , s'ils ont des enfants , essayent d'imaginer LEUR PROPRE ENFANT dans les mains d'un pédophile !<br /> <br /> <br /> <br />
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Les politiques, sauf rares exceptions,ne sont que des bouffons sans talent qui règnent sur un troupeau qu’ils méprisent avec soin... Qu'ils gardent à l'esprit que si nous sommes le troupeau, eux n’en sont que les chiens de garde...

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