27 mars 2010
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- A Deauville, vous nettoierez les extérieurs d'un magasin de luxe, trottoir et vitres. Vous travaillerez 1h30 par jour, du lundi au samedi, de 9h à
10h30. Expérience exigée en lavage de vitres.
- A Bréville, dans une collectivité, vous serez cette personne polyvalente chargée du service à l'assiette, de la plonge, du ménage des communs, du ménage des chambres. Horaire découpé (9h-14h30 et 19h30-22h), travail les weekends et jours fériés par roulement; Pas de possibilité de logement, contrat à durée déterminée de deux mois, expérience exigée en service en salle, avantage en nature en nourriture.
- A Honfleur, vous nettoierez les chambres d'un hôtel en respectant les normes d'hygiène. Il est nécessaire d'être disponible pour les petits déjeuners à partir de 5h30. Pas de logement possible, langue anglaise obligatoire, expérience à un poste similaire de deux ans.
- A Merville, vous serez garant d'une propreté irréprochable de l'établissement, vous aurez en charge le nettoyage des sanitaires, des mobil homes, et de toutes les structures d'accueil. Contrat de 4 heures par semaine pour 4 mois.
A Mondeville, vous nettoierez un magasin de la ZAC de l'Etoile, le mardi et le mercredi de 9h30 à 10h30. Vous laverez les sols, ferez les poussières, vous désinfecterez les sanitaires, vous viderez les poubelles. Savoir nettoyer les vitres à la raclette est un plus. Dynamisme, autonomie, minutie, rapidité, expérience exigée, savoir lire et écrire. Contrat à durée déterminée de deux jours, deux heures au total.
Ces annonces, c'est la plaquette publicitaire d'un autre monde, d'une autre planète. C'est la partie visible d'un univers décrit par Florence Aubenas dans son ouvrage intitulé Le Quai de Ouistreham. La journaliste s'est glissée dans la peau d'une femme divorcée, demandeuse d'emploi, sans qualification. Un seul créneau professionnel pour elle : Faire le ménage.
C'est ainsi qu'elle va pénétrer dans un univers dont on soupçonne l'existence, dont on imagine vaguement les contours, mais que nous refusons de voir, de regarder, d'admettre. Pourtant ce monde, ou plutôt ces gens qui le composent, quasiment marginaux, c'est en France qu'ils se trouvent. En France et certainement un peu partout ailleurs... Difficile d'imaginer que ces personnes, que nous croisons parfois sans les voir, dans les hôtels, dans les maisons de retraite, dans les cantines, dans les halls d'immeubles, ces gens qui vident nos poubelles, nettoient nos escaliers ou les mobil homes dans lesquels nous passons nos vacances, soient à ce point exploités et démunis... Et pourtant...
Toujours payés au smic, même lorsque les conventions collectives prévoient un salaire supérieur, ces travailleurs précaires sont embauchés sur des contrats minimalistes en termes de temps de travail. Si ce temps était respecté, le mal serait moindre, mais trop souvent, l'employeur sait pertinemment que le boulot ne pourra pas être fait dans le temps imparti... Résultat, pour ne pas risquer de perdre quelques heures de travail, ces employés font des heures supplémentaires, non payées. Bien souvent, ils sont aussi obligés de parcourir de longues distances pour aller sur leur lieu de travail. Et s'il leur vient l'idée saugrenue de refuser quelques heures de travail sur un site trop éloigné de leur domicile, il n'est pas rare qu'ils s'entendent dire des trucs du genre : "On dit qu'il y a du chômage mais regardez, je ne trouve personne pour cet emploi !!!"
Bref, un monde du travail bien différent de celui que nous connaissons et dont nous avons l'habitude et la faiblesse de croire qu'il est le seul...
Et puis il y a les inévitables passages au Pôle Emploi... Avec son lot d'annonces périmées, les esclandres quotidiennes des chômeurs qui n'en peuvent plus, ses dossiers en retard, ses entretiens avec des conseillers désabusés et déprimés, ses stages de formation bidons qui ne servent qu'à radier les inscrits de façon temporaire et faire ainsi baisser les statistiques... Il y a aussi les cabinets privés, sorte de charognards de la précarité, vivant sur le dos du chômage, et qui sont sous-traitants du Pôle Emploi, l'Etat ayant massivement recours à ces officines afin de ne pas avoir à embaucher...
Il y a aussi toute la vie quotidienne, la nourriture la moins chère possible, les promotions qu'on se refile comme des tuyaux du PMU, le logement précaire, les factures qui s'accumulent...
En lisant ce livre, on a l'impression de plonger au coeur de la vie de Marguerite, Françoise, Philippe, Victoria et tous ces hommes et ces femmes qui ont été les collègues de Florence Aubenas durant plusieurs mois. En lisant ce livre, on comprend le sort de cette quantité sans cesse croissante de personnes que notre société laisse au bord du chemin...
En lisant ce livre, on prend deux risques : Celui d'être obligé d'admettre que le marché aux esclaves est désormais ouvert en France et celui de ne plus jamais regarder les personnes qui font le ménage autour de nous du même oeil qu'avant.
- A Bréville, dans une collectivité, vous serez cette personne polyvalente chargée du service à l'assiette, de la plonge, du ménage des communs, du ménage des chambres. Horaire découpé (9h-14h30 et 19h30-22h), travail les weekends et jours fériés par roulement; Pas de possibilité de logement, contrat à durée déterminée de deux mois, expérience exigée en service en salle, avantage en nature en nourriture.
- A Honfleur, vous nettoierez les chambres d'un hôtel en respectant les normes d'hygiène. Il est nécessaire d'être disponible pour les petits déjeuners à partir de 5h30. Pas de logement possible, langue anglaise obligatoire, expérience à un poste similaire de deux ans.
- A Merville, vous serez garant d'une propreté irréprochable de l'établissement, vous aurez en charge le nettoyage des sanitaires, des mobil homes, et de toutes les structures d'accueil. Contrat de 4 heures par semaine pour 4 mois.
A Mondeville, vous nettoierez un magasin de la ZAC de l'Etoile, le mardi et le mercredi de 9h30 à 10h30. Vous laverez les sols, ferez les poussières, vous désinfecterez les sanitaires, vous viderez les poubelles. Savoir nettoyer les vitres à la raclette est un plus. Dynamisme, autonomie, minutie, rapidité, expérience exigée, savoir lire et écrire. Contrat à durée déterminée de deux jours, deux heures au total.
Ces annonces, c'est la plaquette publicitaire d'un autre monde, d'une autre planète. C'est la partie visible d'un univers décrit par Florence Aubenas dans son ouvrage intitulé Le Quai de Ouistreham. La journaliste s'est glissée dans la peau d'une femme divorcée, demandeuse d'emploi, sans qualification. Un seul créneau professionnel pour elle : Faire le ménage.
C'est ainsi qu'elle va pénétrer dans un univers dont on soupçonne l'existence, dont on imagine vaguement les contours, mais que nous refusons de voir, de regarder, d'admettre. Pourtant ce monde, ou plutôt ces gens qui le composent, quasiment marginaux, c'est en France qu'ils se trouvent. En France et certainement un peu partout ailleurs... Difficile d'imaginer que ces personnes, que nous croisons parfois sans les voir, dans les hôtels, dans les maisons de retraite, dans les cantines, dans les halls d'immeubles, ces gens qui vident nos poubelles, nettoient nos escaliers ou les mobil homes dans lesquels nous passons nos vacances, soient à ce point exploités et démunis... Et pourtant...
Toujours payés au smic, même lorsque les conventions collectives prévoient un salaire supérieur, ces travailleurs précaires sont embauchés sur des contrats minimalistes en termes de temps de travail. Si ce temps était respecté, le mal serait moindre, mais trop souvent, l'employeur sait pertinemment que le boulot ne pourra pas être fait dans le temps imparti... Résultat, pour ne pas risquer de perdre quelques heures de travail, ces employés font des heures supplémentaires, non payées. Bien souvent, ils sont aussi obligés de parcourir de longues distances pour aller sur leur lieu de travail. Et s'il leur vient l'idée saugrenue de refuser quelques heures de travail sur un site trop éloigné de leur domicile, il n'est pas rare qu'ils s'entendent dire des trucs du genre : "On dit qu'il y a du chômage mais regardez, je ne trouve personne pour cet emploi !!!"
Bref, un monde du travail bien différent de celui que nous connaissons et dont nous avons l'habitude et la faiblesse de croire qu'il est le seul...
Et puis il y a les inévitables passages au Pôle Emploi... Avec son lot d'annonces périmées, les esclandres quotidiennes des chômeurs qui n'en peuvent plus, ses dossiers en retard, ses entretiens avec des conseillers désabusés et déprimés, ses stages de formation bidons qui ne servent qu'à radier les inscrits de façon temporaire et faire ainsi baisser les statistiques... Il y a aussi les cabinets privés, sorte de charognards de la précarité, vivant sur le dos du chômage, et qui sont sous-traitants du Pôle Emploi, l'Etat ayant massivement recours à ces officines afin de ne pas avoir à embaucher...
Il y a aussi toute la vie quotidienne, la nourriture la moins chère possible, les promotions qu'on se refile comme des tuyaux du PMU, le logement précaire, les factures qui s'accumulent...
En lisant ce livre, on a l'impression de plonger au coeur de la vie de Marguerite, Françoise, Philippe, Victoria et tous ces hommes et ces femmes qui ont été les collègues de Florence Aubenas durant plusieurs mois. En lisant ce livre, on comprend le sort de cette quantité sans cesse croissante de personnes que notre société laisse au bord du chemin...
En lisant ce livre, on prend deux risques : Celui d'être obligé d'admettre que le marché aux esclaves est désormais ouvert en France et celui de ne plus jamais regarder les personnes qui font le ménage autour de nous du même oeil qu'avant.
Le Quai de Ouistreham
Un livre de Florence Aubenas
Aux Editions de l'Olivier