Si vous me lisez régulièrement, vous savez que j'adore aller au cinéma. Et tout particulièrement à l'Utopia, à Bordeaux, pour ses salles délicieusement désuètes et sa programmation hors
des sentiers battus. Mais il y a aussi un truc génial à l'Utopia : C'est le parfait silence lors des projections. En effet, on peut y regarder tranquillement son film, sans voisin qui fait
glouglou avec son Coca, ni voisine qui fait crunch-crunch avec son pop-corn...
Et c'est vraiment appréciable. Au point que mes incursions dans les salles obscures plus commerciales me laissent souvent un goût quelque peu amer pour cet aspect des choses...
Mais toutes les villes n'ont pas leur Utopia et certains films n'y passent pas.
C'est ainsi que le 27 janvier dernier, un spectateur parisien, désirant voir Mother, le dernier film de Joo-Ho Bong, s'est rendu à l'UGC Les Halles à
Paris. Et comme il avait une petite faim, avant de prendre sa place, il s'est offert un beau sandwich dans un bistrot non loin de là. Puis il entre dans la salle et s'installe, savourant à
l'avance, et le film et le sandwich...
Mais à peine avait-il croqué dans son appétissant encas qu'un vigile du cinéma arrive, et lui demande sans autre forme de procès, de jeter purement et simplement son casse-croute. Notre cinéphile
refusa bien évidemment ce sacrifice, mais comprenant néanmoins la gêne qu'il était susceptible d'occasionner, rangea l'objet du délit dans son sac. Ce qui ne fut pas du goût de l'agent de
sécurité, qui aussitôt, a prévenu le responsable du cinéma, lequel a directement appelé la police. Celle-ci est intervenue quelques minutes plus tard, empoignant notre ami pour, non seulement le
raccompagner jusqu'à la sortie manu-militari, mais aussi pour l'inviter à une petite séance particulière au commissariat. Le tout devant les autres spectateurs, médusés pour certains, révoltés
pour les autres.
Officiellement, c'était pour le bruit occasionné par son sandwich. Officieusement, il s'agissait plutôt d'appliquer à la lettre le règlement interdisant dans la salle toute nourriture...qui
n'aurait pas été vendue par le cinéma...
Car comme chacun sait, le pop-corn, c'est bien plus silencieux que le jambon-beurre... Et puis surtout, ça rapporte très gros car les recettes dues aux sodas et autres friandises sont
supérieures à celle occasionnées par les entrées... Bientôt, les cinémas ne seront plus que de vastes supermarchés dans lesquels les films ne seront qu'une prestation annexe... Il
suffit pour s'en convaincre d'aller au Megarama à la Bastide pour constater qu'on peut y acheter des billets de train, recharger sa carte de tram, acheter du parfum, ou jouer aux jeux
vidéo...
Trois jours plus tard, décidément très à cheval sur la réglementation et les textes, l'UGC Les Halles récidive.
Cette fois point de sandwich, mais un gamin de deux ans et demi...
Samedi dernier donc, un groupe composé de six adultes et de neufs enfants s'apprête à voir le dernier Walt Disney. La caissière, après avoir vendu les places, s'enquiert de l'âge des
enfants et apprenant que la plus petite à moins de trois ans, refuse l'entrée au groupe. Lequel va tout de même s'assoir dans la salle... C'était compter sans l'intervention de la police
dans la salle qui, torches électriques en main, et avec l'aide de l'ouvreuse, interpelle tout le groupe et fiche tout le monde dehors. En effet, une loi de 1927, interdit l'entrée des salles de
cinéma aux enfants de moins de trois ans.
Si on ne peut pas contester la validité d'une telle réglementation, son application par des forces de l'ordre sans discernement semble véritablement sujette à caution... Certes, les adultes
dans le cas présent, ont fait preuve d'incivilité et devraient, sinon être sanctionnés, du moins rappelés à l'ordre. Mais il y a l'art et la manière de le faire. Envoyer une escouade de policiers
dans ce cas me semble bien excessif. Et en l'occurrence, si les parents indisciplinés sont critiquables, la hiérarchie policière ne l'est pas moins.
Mais il est évidemment beaucoup plus simple d'emmener une gamine de deux ans et demie au commissariat que des hooligans excités et alcoolisés... N'est-ce pas, Brice ?
Ce genre de débordements, de plus en plus fréquents, contribue à créer au sein de notre société, une ambiance de défiance vis à vis de la police proprement détestable. Mais surtout, ils
rendent nos forces de l'ordre chaque jour moins crédibles, leur compliquent considérablement la tache, et les expose inutilement aux critiques.
Bref, ce n'est pas très efficace tout cela...