Hier, sur son blog, le célèbre journaliste Jean-Michel Aphatie s'interrogeait sur Wikileaks et condamnait celui-ci au prétexte que les renseignements diffusés sur le site avaient été volés, résumant l'affaire à un simple piratage informatique. Si effectivement aujourd'hui, les motivations de Wikileaks demeurent obscures, je ne vois pas vraiment en quoi les procédés utilisés par ce site diffèrent de la "gorge profonde" du Watergate ou des écoutes illicites du majordome de Liliane Bettencourt...
Si, en fait, on peut constater une différence de taille. Dans le cas du Warergate ou de Bettencourt, les sources se sont adressées à des journalistes qui ont ensuite dévoilé au grand jour le fruit de leur enquête. Tandis que Wikileaks met à disposition de qui veut les lire l'ensemble de ses informations, de façon plus ou moins obscure, mais quand même accessible, et laisse le soin aux journalistes de les trier et de les rendre lisibles ou audibles...
Ce qui gène notre brillant chroniqueur, ce ne sont pas les informations en tant que telles, mais la manière dont elles ont été dévoilées. Le court-circuitage de sa noble profession, ça le fait chier... Il semble oublier qu'à l'origine de toutes les affaires qui ont, sinon ébranlé la république, du moins défrayé la chronique, il y a eu des dénonciations, souvent anonymes, des copies de documents interdits, souvent issues de services officiels... Les affaires Méry, Clearstream, Bettencourt, Urba, et autres n'ont vu le jour que grâce à des agissements illégaux ou moralement répréhensibles... Comme pour Wikileaks.
Alors, faut-il donner l'absolution et un blanc seing à tous ceux qui au sommet des Nations se livrent à des agissements douteux, voire illégaux, au prétexte que secret d'Etat il y a, et que celui-ci ne doit pas être violé ?
Une fois de plus, je suis déçu par Jean Michel Aphatie. Celui qui montrait une certaine impertinence et qui n'usait pas de la langue de bois est peu à peu rentré dans le moule consensuel et confortable de la pensée dominante, de la pensée unique. Désormais il affiche, derrière des moulinets sans envergure, et une esbrouffe plutôt convenue, un soutien sans faille à notre gouvernement et une servilité au système en place tout à fait confortable. Il se fait même interviewer dans la presse !!! N'est-ce pas là la consécration pour un journaliste que de se faire interviewer ?
Ce soir encore, il prenait la défense des banques, qui, selon lui, n'ont absolument rien à se reprocher dans la crise actuelle, le coupable étant d'après lui, Bill Clinton... Si je n'exonère en rien Clinton de ses responsabilités, on peut tout de même s'interroger... En effet, qui a prêté plus qu'il ne possédait ? Qui a prêté plus que le souscripteur ne pouvait rembourser ? Qui a transformé ces créances douteuses en produits de placement non moins douteux ? Qui, au plus fort de l'effondrement boursier, s'est précipité dans la spirale infernale de la vente à perte ? Qui a transmis au reste du monde un désastre qui n'était au départ qu'américain ? Enfin qui a expulsé des milliers de familles américaines pour tenter en vain de récupérer une partie de la mise ? Il est clair que Jean Michel Aphatie roule pour la finance et les banquiers... Probablement une conséquence directe de sa notoriété et de son salaire à 5 chiffres...
Lorsqu'un journaliste commence régulièrment ses phrases par "Il faut que les français comprennent...", c'est le signe que l'indépendance, l'impertinence et l'hônneteté ont cedé la place à la suffisance et au complexe de supériorité. Car bien sûr, le pauvre plouc de français qui l'écoute ne comprend rien alors que lui, du haut de ses certitudes, a tout compris... Je pense donc qu'un peu d'humilité et de recul feraient le plus grand bien à notre bon JM Aphatie. Quant à moi, il va vraiment falloir que je lutte contre ma propention au masochisme et que j'arrête de l'écouter... En plus, c'est sûrement mauvais car cela me fait monter la tension !!!
Pour illuster ce petit billet, un nouvel extrait de la superbe série d'albums que Zazie vient de réaliser... Avec des musiques toujours aussi bonnes et des textes qui font mouche...
